Tantra, la voie féminine qui restaure l'intégrité du corps et délie les traumas
- Eléonore Alexandrakis
- 10 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 1 jour
Tantra et traumas, une voie d’accueil et de réconciliation

On associe souvent le Tantra à une énergie de vitalité ou de sensualité. Pourtant, au cœur de cette tradition, il existe une qualité subtile, presque oubliée: le féminin. Non pas le féminin comme un genre, mais comme une qualité de réceptivité, d'écoute, lente, accueillante, nourrissante.
C’est cette qualité-là qui rend le Tantra si précieux dans l’accompagnement des traumas — qu’il s’agisse de violences sexuelles, d’abus intrafamiliaux, ou d’événements marquants qui ont laissé une empreinte dans le corps. Parce que la voie féminine n’impose rien. Elle n’accélère pas. Elle ne cherche pas à atteindre un objectif. Elle écoute. Elle accueille. Elle respecte le rythme du corps et de son système nerveux.
Et c’est exactement ce que les neurosciences confirment aujourd’hui, ce rythme du “ralentir” est la clé de la régulation et de la guérison. Il permet d'apprendre à être présent avec Soi et les multiples parts de Soi, aussi bien dans l'inconfort que dans l'agréable.
Le féminin, énergie nourricière et premier refuge

Le féminin est par essence nourricier, protecteur, maternel. Le tout premier sentiment de sécurité que nous expérimentons vient de la mère qui accueille notre vie en son ventre, puis, en principe, nous nourrit et nous protège. Avant toute conscience verbale, c’est dans ses bras que l’enfant ressent son premier ancrage, son premier refuge, sa première protection.
Cette empreinte originelle inscrit dans le corps un souvenir profond: “être accueilli et protégé est possible”.
Quand le trauma déchire ce sentiment de sécurité, revenir à une énergie d’accueil et de présence — qualité féminine par excellence — permet de réparer cette mémoire originelle et de restaurer la capacité à se sentir à nouveau en sécurité.
C’est ce que la voie tantrique rend possible: redonner au corps la sensation d’être accueilli sans condition, sans attente, sans contrainte.
Trauma et système nerveux – Quand ralentir devient soin
Le trauma n’est pas l’événement en lui-même, il est ce que le système nerveux a dû mettre en place pour survivre. Le corps qui se fige, la respiration en apnée, une vigilance quasi constante... Puis il y a la colère et l'agressivité, la fuite et l'évitement (addiction), le besoin de toujours satisfaire l'autre, de toujours bien faire... Ce ne sont que quelques exemples de réponses traumatiques appelés mécanismes de survie.
Dans ce contexte, vouloir “forcer” ou “pousser” le corps à changer ne fait qu’aggraver la survie. La voie féminine du Tantra offre un autre chemin permettant de ralentir, redescendre dans le Corps, respirer, apprendre à simplement rester présent avec ce que le corps raconte.
Les recherches en neurosciences montrent que la respiration lente (environ 6 cycles par minute) stimule le nerf vague et augmente la variabilité cardiaque — un indicateur clé de résilience et d’équilibre du système nerveux. En allongeant l’expiration, le corps envoie littéralement un signal de sécurité au cerveau.
C’est exactement ce que nous faisons en Tantra: ralentir, poser le souffle, créer des conditions où le système nerveux peut enfin passer en mode "sécurité" et non plus "alerte".
L’intéroception, réapprendre à sentir son corps
Le trauma coupe du ressenti et déconnecte du Corps, de la Vie, des autres. Pour survivre, le corps adopte une stratégie brillante et ferme certaines portes sensorielles: on ne sent plus son ventre, sa gorge, son cœur. On se coupe pour ne pas être submergé.
Mais cette coupure prive aussi de la capacité de régulation et de connexion, essentielles à la vitalité et au bonheur. L’intéroception — la capacité à percevoir ses signaux internes — est comme une boussole intérieure. Elle nous permet de savoir si l’on est tendu, apaisé, connecté ou pas.
Des études en neuroimagerie montrent que l’intéroception active l’insula, une région du cerveau qui relie le corps, l’émotion et la conscience de Soi. Plus l’intéroception est fine, plus la régulation émotionnelle et la résilience sont fortes.
En Tantra, on revient à ce langage subtil: poser une main sur le cœur, écouter la chaleur, la pulsation, le vide. Il ne s’agit pas de “faire” mais d’écouter ce qui est là. Et c’est cette écoute qui pave le chemin de la guérison.

Le toucher qui rassure – Neurobiologie de l’accueil
Dans beaucoup de traumas, le corps garde l’empreinte du contact non consenti, invasif ou violent. Retrouver un toucher sûr, lent, choisi peut transformer cette mémoire, petit à petit.
La science confirme que le toucher affectif (lent, doux, enveloppant) active les fibres C-tactiles, connectées aux zones du cerveau liées au lien et à l’apaisement. Il libère de l’ocytocine, hormone du lien et de la confiance, et réduit l’activité des circuits du stress.
Dans un cadre clair, respectueux et choisi, le Tantra redonne une autre expérience au corps: un contact qui ne prend pas, mais qui accueille et restitue.
Sécurité d’abord – Convergences avec le trauma-informed care
Les lignes directrices internationales (SAMHSA) en trauma-informed care parlent toutes de la même chose :
sécurité,
choix,
respect du rythme,
co-construction,
empowerment.
C’est exactement ce que propose la voie féminine du Tantra, aucune précipitation, aucun but à atteindre, seulement la sécurité et l’accueil du corps tel qu’il est.
Cela fait du Tantra une voie particulièrement juste pour accompagner les traumas, parce qu’il rejoint à la fois les sagesses anciennes et les prises de conscience scientifiques modernes.
Conclusion – Le Tantra, une médecine de la réconciliation
Parler du Tantra comme d’une voie féminine n’est pas une question de genre. C’est reconnaître la puissance d’une qualité d’être: accueil, lenteur, écoute, présence, la capacité à nourrir et à protéger.
Dans un monde obsédé par le faire, par la performance et l’atteinte d’objectifs, cette voie est une médecine. Elle respecte le rythme du corps, elle restaure son intégrité au système nerveux, elle redonne place à l’intelligence du Vivant en nous.
C’est pour cela qu'à mon sens le Tantra est si précieux dans l’accompagnement des traumas et que je fais le choix de l'utiliser dans mes accompagnements des traumas. Parce qu’il n’impose pas. Parce qu’il rend sa voix au corps. Parce qu’il ouvre la voie de la réconciliation, de la sécurité, et de la liberté intérieure.
Sources et inspirations
Russo et al., Respiratory Sinus Arrhythmia and Vagal Tone (2017).
Craig A., How do you feel? Interoception and the neural basis of emotional awareness (2015).
McGlone et al., The role of C-tactile afferents in affective touch and oxytocin release (2014).
van der Kolk et al., Yoga as an adjunctive treatment for PTSD (2014).
SAMHSA, Trauma-Informed Care in Behavioral Health Services (2014–2024).
Bessel van der Kolk, Le Corps n’oublie rien (2015).
Alain Badiou, La vraie vie (2016).
Si cet article fait écho, vous pouvez découvrir mes accompagnements du
trauma en ligne et en présentiel à La Baule, Paris et Nantes:
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