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Tantra & Trauma - comment le Tantra, loin des clichés, peut devenir une voie profonde de réparation et de réintégration du Vivant.

Tantra & Trauma - racines et connexion au vivant


Introduction


Dans les champs médical et thérapeutique, le terme Tantra suscite un malaise légitime: il est malheureusement souvent associé à des pratiques sexualisées et mal encadrées voir des services sexuels. Pourtant, dans sa tradition, le Tantra, loin de ces croyances, est un chemin de conscience associé à l'éthique de présence et une véritable pédagogie du Corps. Cet article examine comment une articulation rigoureuse entre régulation somatique et pratique du Tantra peut contribuer à la réparation des effets du trauma, en reconstituant un sentiment de sécurité interne et une sensorialité source de connexion et d'épanouissement.


« Le trauma est l’interruption de la capacité à se sentir en sécurité dans son corps. »


Comprendre le trauma: un trouble de la régulation et non un “défaut” de volonté


Les travaux contemporains en psycho-traumatologie lient le trauma au système nerveux autonome. Cela permet de revoir les a priori sur ce qu'on a pu appelé "faiblesse", "manque de volonté" ou encore "problème de mindset". Le trauma n'est pas seulement mental, il se manifeste dans le corps. Il s’agit d’une réponse de survie inachevée à l'origine de différents états involontaires (hypervigilance, figement, dissociation). Ces états réapparaissent en l’absence de menace objective (sous l'effet de déclencheurs) et altèrent l’accès au ressenti, à la raison et au choix. La parole seule suffit rarement à soigner le trauma; la régulation vécue dans le corps est souvent nécessaire pour rétablir un climat de sécurité intérieure.



Le désir n’est pas aboli: il est dissocié, figé ou déformé


Le trauma ne fait pas disparaître le désir au sens large (il ne s'agit pas seulement de sexualité mais de capacité à être en lien avec le monde et soi-même). Il l'occulte par le biais de stratégies de protection. Sont fréquemment observés anesthésie sensorielle et émotionnelle, honte corporelle, évitement, sexualité douloureuse, alternance tout/rien, addictions. Chez de nombreux hommes c'est l'"injonction à “performer”, la fatigue sexuelle, l'anesthésie émotionnelle ou les conduites d’évitement ou de compensation qui prédominent. Chez la femme, l'épuisement (burnout), les douleurs sexuelles mais aussi menstruelles et l'incapacité à avoir des rapports sont fréquents. Pourtant le problème central n’est pas le désir lui-même mais la perte du lien sécurité-sensorialité. Il est essentiel de comprendre que la notion de désir s'étend bien au-delà de la simple notion de sexualité telle qu'on l'entend communément. Le désir est l'élan de vie qui initie la connexion et le lien. Les répercussions de ces stratégies de protection sont donc observables dans les rapports intimes mais aussi dans toutes les sphères de la vie, là où la capacité à être en lien (avec soi et avec l'autre) est en jeu.


trauma perte de sécurité dans le corps


Le Tantra: présence, lenteur, sécurité — loin des injonctions de performance


Le Tantra n’est pas un ensemble de techniques sexuelles; cette croyances est le fruit de dérives occidentales. La sexualité occupe en réalité une petite place dans l'immensité de ce que le Tantra met en lumière dans ses textes. Il constitue un chemin de présence sur lequel des pratiques de respiration, de méditation, de mouvement, de voix, des rituels accompagnent vers une meilleure conscience corporelle et plus de clarté mentale. Il invite à la lenteur et à l'écoute. Ici le rituel n'est pas un acte sectaire, déviant ou dangereux mais simplement une invitation à remettre du sens et de la beauté dans nos actes, souvent noyés par les "il faut", "je dois" du quotidien. L’objectif n’est jamais l’intensité, mais la cohérence entre ce qui est ressenti et ce que le corps est en capacité d'intégrer au moment donné. Cette approche refuse la logique de performance et d'objectif, au contraire elle privilégie la progressivité et la justesse: reconstruire la sécurité étape par étape avant d’explorer des états énergétiques / émotionnels plus denses. Ceci permet de développer la fenêtre de tolérance et de développer, au juste rythme, la capacité à ressentir des émotions jusque-là trop difficiles pour être intégrées et digérées.






Ponts somatiques: respiration, mouvement, co-régulation, rituel


L’objectif n’est pas l’intensité mais l’intégration. Les leviers ci-dessous soutiennent la régulation du système nerveux autonome et la réhabilitation de la sensorialité.


Respiration consciente - La modulation respiratoire (par ex. 4-2-6, 5-5) améliore la variabilité cardiaque et élargit la fenêtre de tolérance. Elle agit comme un métronome interne, le corps apprend à revenir vers la neutralité, sans forcer (Porges, 2011 ; van der Kolk, 2014).

Mouvements lents et organiques - Ondulations douces, micro-flexions, balancements assis ou allongés restaurent la continuité corporelle et la perception des appuis. L’enjeu est la juste dose, assez pour relancer la perception, mais pas au point de réactiver des boucles de survie (Levine, 1997 ; Ogden & Fisher, 2015).

Co-régulation par la relation - Regard stable, voix posée, présence prévisible réduisent le coût énergétique de l’exploration et soutiennent l’ancrage. C'est le principe de l'accompagnement thérapeutique. La relation offre un « prêt de système nerveux » provisoire en quelque sorte, jusqu’à ce que l’auto-régulation s’installe (Schore, 2012 ; Siegel, 2012).

Ritualisation (ouverture / fermeture / intégration) - Annoncer ce qui commence, ce qui s’arrête et comment intégrer redonne maîtrise et prévisibilité. Le rituel n’est pas ésotérique, c’est une structure sur laquelle se reposer: il transforme une pratique en expérience sécurisée et traçable (Fisher, 2021).


Repère clinique: 1) annoncer l’intention, 2) micro-doser, 3) pratiquer, 4) nommer ce qui est perçu, 5) fermer et revenir à un état corporel neutre.


Éclairages croisés: médecine traditionnelle chinoise (MTC) et Ayurvéda


Ces modèles traditionnels décrivent la vitalité comme un système de circulation, non comme un point de performance.


Médecine chinoise (MTC)

Les méridiens organisent la distribution du Qi; l’« énergie sexuelle » y est une expression diffuse de l’énergie de vie (Jing/Qi), non localisée à un seul organe. Dès lors, travailler la respiration et la conscience de son corps et de soi revient à ré-ouvrir des voies de circulation (Maciocia, 2015).


Ayurvéda

L’Ojas (réserve vitale) augmente quand les tissus et le système nerveux sont apaisés; la Shakti (puissance créatrice) circule mieux dans un environment intérieur stable et harmonieux. (Lad, 2002).


Ces lectures convergent avec la pensée clinique contemporaine: la sécurité et la progressivité conditionnent toute transformation durable.



Alliance trauma + Tantra : protocole, cadence, éthique


Une intégration réussie tient moins aux « techniques » qu’à la qualité de présence dans de l’accompagnement.


1) Priorité à la sécurité

Repérage fin des signaux internes (appuis, tonus, température, micro-tremblements), juste dosage, pauses programmées, retour au neutre avant d’augmenter la charge (Porges, 2011).

2) Clarté éthique

Consentement vivant (renégociable à tout moment), langage des limites et des ressentis, contrat de cadre (objectifs, périmètre, modalités), supervision. On évite les injonctions, potentiellement sources de re-traumatisation (Fisher, 2021).

3) Progressivité

De la régulation de base (souffle, appuis) → à la sensorialité relationnelle (regard, présence) → puis, seulement si pertinent, à des rituels plus engageants. Fractionner et ralentir permet une meilleure intégration (Ogden & Fisher, 2015).

4) Finalité tantrique

Dans les sources tantriques, le corps est le chemin — non l’obstacle. La présence prime sur la performance; l’intention et l’attention donnent au geste son caractère « sacré » (Feuerstein, 1998 ; Wallis, 2012).

Il est précieux d' être en capacité d'écouter le corps car celui-ci est un guide juste et sage. Il peut nous communiquer avec la plus grande finesse ce qui "ok" et ce qui ne l'est pas, alors que le mental peut vouloir par projection, sans respect de ce que le corps est en capacité de vivre.






Études de cas (synthèse)


Éric, 42 ans: dissociation ancienne, “corps fonctionnel mais muet”. Dix séances de régulation, respiration, micro-mouvements, rituels simples et travail de conscience corporelle. Résultats: plus de sérénité et de joie, sommeil plus profond, meilleure capacité à rester présent émotionnellement pendant l’intimité avec sa compagne.


Cas de couple: peur du rapport, douleur à la pénétration, évitement et pression de performance. Suivis individuels (éducation somatique, respiration, conscience du corps) puis explicitation des besoins et limites, et mise en place de rituels non sexualisés en duo. Effets: moins de peur, plus de sérénité et de liberté d'être Soi, reprise du jeu et de la complicité, reconnexion entre les partenaires, plus de plaisir et de légèreté.


Témoignages anonymisés et publiés avec consentement; détails identifiants modifiés.


tantra - présence - conscience et connexion


Pourquoi se tourner vers une approche intégrative aujourd’hui


  • Sans conscience du langage du corps, il ne peut y avoir de pratique véritablement sécurisée. Par exemple, je constate trop souvent au travers du discours de ma clientèle qu'ils ont été exposés à des thérapies verbales ou EMDR qui n'ont pas su respecter leur fenêtre de tolérance ou tenu compte des signaux lancés par leur corps. Le résultat, c'est la re-traumatisation, parfois la dissociation entre autres réponses de protection du système nerveux.

  • Tantra: sans conscience du langage du trauma, la pratique du Tantra peut réactiver des états de survie et des boucles traumatiques violentes. Dans le cadre de traumas, le consentement verbal ne suffit pas car la personne dissociée de son corps n'est pas en capacité de sentir si c'est un oui, un peut-être ou un non.

  • Une thérapie sans dimension spirituelle limite la notion d'"Être vivant", de sens, d'appartenance et réduit le corps à un “projet à corriger”. Nombre d'études ont mis en avant le lien entre spiritualité et santé mentale: la majorité des travaux montrent une association entre pratique religieuse/spirituelle et moins de dépression, moins de suicide, moins d’addictions, plus de bien-être (Koenig – Religion, Spirituality, and Health (2012, 2015) / Lucchetti et al., 2021 – Spirituality, religiousness, and mental health / Zwingmann et al., 2025).

  • L’approche intégrative adresse les multiples facettes de l'être vivant et créer un parcours progressif respectueux du fonctionnement humain: d’abord la sécurité et la régulation, ensuite la sensorialité justement dosée, enfin l’élan vital.



Conclusion: une réconciliation incarnée


Tantra et trauma sont deux langages du corps. L’un s'oriente vers la protection et la survie, l’autre vers la présence, l'écoute et le lien. Leur tissage permet de restaurer la sécurité dans le corps, condition sine qua none à l'expression d'un désir de vie sain et d’une relation fiable à soi et à l’autre.



Repères pratiques (à adapter)


  • 5 min/jour de travail de respiration (ex: cohérence cardiaque).

  • Scan sensoriel: nommer 3 sensations neutres (sans les teinter de notre jugement bien / mal).

  • Rituel de connexion: une gestuelle, quelques mots, une durée.

  • Consentement vivant: s’exercer à exprimer son oui/non/stop/plus dans des contextes non sexualisés.











FAQ


Le Tantra est-il une pratique sexuelle? Non. Historiquement, il s’agit d’une voie de présence et d’intégration.


Peut-on pratiquer malgré un trauma? Oui, si la pratique est trauma-informée: lenteur, cadre, éthique, rituels respectueux des limites propres à chacun, priorité à la régulation.


Différence entre Tantra, “néo-tantra” et thérapie? Le Tantra traditionnel vise l’incarnation et la conscience. Le “néo-tantra” regroupe des méthodes contemporaines hétérogènes. La thérapie vise des objectifs de santé. Une articulation claire évite les dérives.


Quelles précautions? Consentement explicite, limites claires, praticien·ne formé·e aux approches somatiques et au trauma si vous avez vécu des évènements traumatisants (violences sexuelles, agressions, violences conjugales etc), progressivité. Pas de pression.


Par où commencer? Respiration, conscience de soi, rituels simples d’ouverture/fermeture, accompagnement par un·e professionnel·le formé·e si l’histoire inclut des traumas.



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