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Les réponses de survie du système nerveux : fight, flight, freeze, fawn & co

Lorsque le système nerveux perçoit une menace, il ne cherche pas la nuance ni la cohérence psychologique. Il active en priorité les réponses de survie du système nerveux, parfois au détriment de la relation et de la clarté intérieure.


Les travaux de Peter Levine (Somatic Experiencing), Janina Fisher (TIST), Pat Ogden (Sensorimotor Psychotherapy), Deb Dana (clinique polyvagale), Jessica Maguire (Repairing the Nervous System) ou encore Esther Perel convergent et mettent en lumière une même chose : ce que l’on nomme parfois « réactions disproportionnées » sont très souvent des réponses de survie profondément ancrées dans le corps et dans le fonctionnement du système nerveux autonome.



Femme de dos, bras ouverts face à l’horizon, illustrant un système nerveux régulé et un sentiment d’espace intérieur
Respiration, expansion et régulation du système nerveux


1. La carte de fond : le système nerveux autonome et la hiérarchie des états


1.1. Le système nerveux autonome comme système de défense


La théorie polyvagale, développée par Stephen Porges et largement diffusée en clinique par Deb Dana, décrit le système nerveux autonome comme un système hiérarchisé de réponses à la sécurité et au danger.


Trois grands états dominent :


  • État de sécurité / lien (ventral vagal)

    L’organisme se sent suffisamment en sécurité pour se relier, réfléchir, ressentir. Les fonctions sociales, la curiosité et l’engagement sont disponibles. Cet état de sécurité physiologique soutient la régulation émotionnelle et relationnelle.


  • État de mobilisation (sympathique)

    Le corps se prépare à l’action : augmentation du rythme cardiaque, tension musculaire, hypervigilance. La priorité devient la défense – par l’attaque ou la fuite. C’est ici que se déploient notamment les réponses fight et flight.


  • État d’effondrement / shutdown (dorsal vagal)

    Lorsque la menace est perçue comme inévitable ou prolongée, l’organisme peut réduire brutalement l’activité : ralentissement, dissociation, anesthésie partielle. Cet état est souvent en jeu dans le trauma complexe et certaines formes d’effondrement dépressif.


Les réponses de survie (fight, flight, freeze, fawn, cry for help, collapse…) se déploient à l’intérieur de ces états.



2. Les principales réponses de survie du système nerveux


2.1. FIGHT – Se battre pour reprendre la main


La réponse de combat apparaît lorsque le système nerveux estime que la meilleure façon de survivre est de pousser, repousser, confronter.


Signes possibles :


  • ton plus tranchant, irritabilité, colère explosive ;

  • tendance à critiquer, interrompre, couper court ;

  • nécessité de garder le contrôle de la situation.


Dans la perspective de Levine, ces élans de combat sont des impulsions défensives qui, lorsqu’elles restent incomplètes ou interdites, peuvent se figer dans le corps et alimenter tensions, douleurs et hypervigilance.


Sur le plan relationnel, les travaux d’Esther Perel montrent comment ces réponses peuvent nourrir des cycles de conflit répétés, où chacun se vit comme attaqué ou incompris, alors que ce sont en réalité les systèmes nerveux qui se défendent.


2.2. FLIGHT – Fuir, se disperser, s’échapper


La réponse de fuite mobilise le même système sympathique, mais en orientant l’énergie vers l’évitement.


Manifestations fréquentes :


  • surinvestissement dans le travail, les tâches, la performance ;

  • besoin constant de bouger, de « faire quelque chose » ;

  • évitement des sujets sensibles, changement de sujet ;

  • retrait émotionnel, disparition numérique, refuge dans les écrans.


Dans la clinique du trauma, cette stratégie permet de se tenir à distance de ce qui est perçu comme potentiellement ravivant une détresse trop intense. Les études sur les réponses autonomes montrent bien cette logique de fuite comme défense instinctive face à la menace.


2.3. FREEZE – Se figer : l’action suspendue


La réponse de figement se caractérise par une co-activation : le système est mobilisé (sympathique), mais le mouvement est inhibé.


Signes typiques :


  • sensation d’être « bloqué », impossibilité de parler ou d’agir ;

  • pensées confuses, trous de mémoire ;

  • corps raide ou au contraire engourdi ;

  • incapacité à prendre une décision pourtant simple.


Les approches somatiques (Levine, Ogden) décrivent ce figement comme la trace d’impulsions défensives inachevées : le corps n’a ni fui ni combattu jusqu’au bout, et garde ces mouvements en suspens. Cette réponse de survie du système nerveux est centrale dans de nombreux tableaux de psychotraumatisme.


2.4. FAWN / SOUMISSION – S’adapter pour rester en lien


Au-delà de fight/flight/freeze, Janina Fisher et d’autres auteurs introduisent des réponses comme submit ou fawn, où la survie passe par l’adaptation maximale.


Formes fréquentes :


  • dire oui systématiquement, même quand ce serait non ;

  • anticiper en permanence les besoins de l’autre ;

  • éviter le conflit à tout prix ;

  • adopter spontanément la position de « coupable » pour désamorcer la situation.


Dans le modèle TIST de Fisher, la part soumise est souvent associée à la honte, à la compliance, à la tendance à se retourner contre soi plutôt que de risquer l’agression ou le rejet d’autrui. Cette stratégie d’attachement s’inscrit pleinement dans le paysage plus large des réponses de survie du système nerveux autonome.


2.5. SHUTDOWN / COLLAPSE – S’éteindre pour ne plus sentir


Quand les réponses de mobilisation (fight, flight) et d’adaptation (fawn) ne suffisent plus, le système nerveux peut basculer vers un état de shutdown dorsal vagal : une forme d’effondrement protecteur.


Signes possibles :


  • fatigue écrasante, perte d’élan et d’intérêt ;

  • impression de ne plus être vraiment présent à soi, de vivre « derrière une vitre » ;

  • réduction globale de la sensibilité émotionnelle ou corporelle.


La clinique polyvagale décrit cet état comme un frein d’urgence : une manière de protéger l’intégrité psychique lorsqu’aucune autre issue n’est perçue. Là encore, il s’agit d’une réponse de survie, pas d’un défaut de volonté.


2.6. ATTACH / CRY FOR HELP – Appeler au secours


Enfin, Janina Fisher et d’autres cliniciens décrivent des réponses de type attach / cry for help, où l’organisme tente de s’accrocher à un autre système nerveux pour survivre.


Concrètement :


  • besoin urgent que quelqu’un réponde, voie, confirme la détresse ;

  • envoi répété de messages, appels désespérés ;

  • panique à l’idée d’être laissé seul face à certains états internes.


Là encore, il s’agit d’une stratégie profondément logique : chez l’enfant, appeler un adulte disponible peut littéralement faire la différence entre survie et danger. Chez l’adulte, cette réponse peut être mal comprise et étiquetée comme du « drama », alors qu’elle correspond à un système nerveux débordé cherchant de la co-régulation et une forme de régulation du système nerveux par l’autre.



3. Quand les réponses de survie deviennent chroniques


Le problème ne réside pas dans l’existence de ces réponses – elles sont au cœur des défenses de l’espèce humaine – mais dans le fait qu’elles deviennent automatiques et se déclenchent dans des situations où le danger n’est plus actuel.


Les publications en psychotraumatologie et en approches somatiques du trauma montrent comment, en contexte de trauma complexe ou de menace répétée, le système nerveux s’organise autour de ces réponses de défense et les rejoue ensuite dans la vie quotidienne, bien au-delà de la situation initiale.


Cela peut se traduire par :


  • une hypervigilance constante (état sympathique dominant) ;

  • des difficultés à rester en lien dans l’intimité ;

  • des oscillations extrêmes entre activation et effondrement ;

  • des symptômes somatiques (douleurs, troubles digestifs, troubles du sommeil…) intimement liés à ces états.



4. Approches somatiques et régulation du système nerveux


Les cliniciens cités plus haut proposent différentes portes d’entrée pour accompagner ces réponses de survie du système nerveux et soutenir la régulation du système nerveux autonome :


  • Somatic Experiencing (Peter Levine)

    Travail sur les micro-mouvements, la complétion graduelle des réponses de défense bloquées, le dosage de l’activation et de la ressource. Cette approche somatique du trauma vise à restaurer la capacité d’autorégulation.


  • Sensorimotor Psychotherapy (Pat Ogden)

    Utilisation de la posture, du mouvement, du regard, de la respiration comme voie d’accès aux schémas implicites de défense et de relation, plutôt que rester uniquement dans le récit narratif.


  • Trauma-Informed Stabilization Treatment – TIST (Janina Fisher)

    Modèle par « parts » qui aide à identifier les différentes défenses (fight, flight, submit, cry for help, freeze) et à s’en différencier progressivement, sans les supprimer de force. Ce travail sur les parts traumatiques est particulièrement pertinent dans le trauma complexe.


  • Clinique polyvagale (Deb Dana)

    Cartographie fine des états autonomes, mise en place d’exercices pour soutenir le passage vers des états de sécurité et de connexion, travail sur la co-régulation et la neuroception de sécurité. L’objectif est d’élargir la fenêtre de tolérance du système nerveux.


  • Pédagogie du nerf vague et régulation (Jessica Maguire)

    Éducation autour du nerf vague, de la régulation vagale et des pratiques somatiques accessibles (respiration, mouvement, auto-contact, ancrage) pour soutenir les capacités de récupération du système nerveux.


En filigrane, toutes ces approches misent sur la même dynamique : redonner au corps des expériences de sécurité suffisamment répétées pour que les réponses de survie cessent d’être les seules options disponibles. Ces approches inspirent directement ma manière de travailler en accompagnement somatique & psycho-corporel.



5. FAQ – Questions fréquentes sur les réponses de survie du système nerveux


Les réponses de survie signifient-elles qu’il y a un trouble psychiatrique ?


Non. Les réponses de survie (fight, flight, freeze, fawn, shutdown, cry for help) sont d’abord des fonctions normales du système nerveux autonome. Elles deviennent problématiques lorsqu’elles se déclenchent automatiquement dans des contextes qui ne sont plus réellement menaçants, et quand elles limitent fortement la vie quotidienne ou relationnelle.


Comment repérer quelle réponse de survie est active ?


Plus que les pensées, ce sont les indices corporels qui orientent : rythme cardiaque, tonus, respiration, posture, qualité de la présence. L’observation fine du corps – idéalement accompagnée – permet de distinguer une mobilisation combative, une fuite silencieuse, un figement, une soumission ou un effondrement.


Peut-on « supprimer » ces réponses de survie ?


L’enjeu n’est pas de les supprimer – elles font partie de l’équipement humain – mais d’augmenter la flexibilité du système nerveux. Le travail thérapeutique vise à ce que l’organisme puisse revenir plus facilement vers des états de sécurité et de lien, au lieu de rester coincé dans la défense.


Est-il possible de travailler seul sur la régulation du système nerveux ?


Certaines pratiques (respiration, ancrage, mouvement conscient, rituels corporels, psychoéducation) peuvent être explorées en autonomie, surtout lorsque la personne dispose déjà d’un certain niveau de stabilité. Pour des histoires de trauma complexe, de dissociation marquée ou de symptômes envahissants, un accompagnement spécialisé est vivement recommandé, afin de doser l’exploration et de pouvoir s’appuyer sur la co-régulation thérapeutique.





Vous souhaitez aller plus loin


Si ces états de survie du système nerveux résonnent avec une histoire personnelle ou professionnelle, il est possible de les explorer dans un cadre d’accompagnement somatique et psycho-corporel, en douceur et avec méthode:








Sources & inspirations


Cet article s’appuie notamment sur les travaux de :


  • Peter A. LevineWaking the Tiger: Healing Trauma (Somatic Experiencing®) – présentation de l’ouvrage chez l’éditeur : W. W. Norton / North Atlantic Books

  • Deb DanaThe Polyvagal Theory in Therapy: Engaging the Rhythm of Regulation – approche clinique de la théorie polyvagale : Rhythm of Regulation.

  • Pat Ogden & Janina FisherSensorimotor Psychotherapy: Interventions for Trauma and Attachment – intégration du corps en psychothérapie : W. W. Norton & Company

  • Janina Fisher, travaux sur la dissociation traumatique et le modèle TIST (Trauma-Informed Stabilization Treatment) : site officiel et Transforming the Living Legacy of Trauma.

  • Jessica Maguire, programmes « Repairing the Nervous System » et pédagogie du nerf vague : jessicamaguire.com

  • Esther Perel, travaux sur les dynamiques de couple, l’attachement et le désir : estherperel.com




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